Les schémas marxistes de reproduction élargie, clé pour comprendre la nature de l’URSS.

Aujourd’hui chez la plupart des économistes marxistes, des militants communistes qui s’intéressent à la macroéconomie, domine l’idée que lors de la croissance du PIB, les deux sections de la production annuelle, la section de la production des moyens de production et la section des biens de consommation s’accroissent à la même vitesse. Une minorité s’accroche toujours à la falsification léniniste, celle de la croissance plus rapide de la production des moyens de production par rapport à la production des biens de consommation lors de la reproduction élargie du PIB. Dans cet article, je rappelle la position de Karl Marx lui-même et je démontre que si les deux sections s’accroissent au même taux ou si la section des moyens de production s’accroit plus vite que la section des biens de consommation, on aboutit dans les deux cas à une crise de pénurie de biens de consommation.

Friedrich Engels, le grand ami de Karl Marx, publia le Livre II du Capital en 1885. Ce livre se termine par une révolution totale de la macroéconomie et permet de décrire les lois générales de la circulation des capitaux et des marchandises lors de la croissance du PIB. Marx divise la production annuelle en deux grandes sections, la section de la production des moyens de production(section I) et la section des biens de consommation(section II). Chaque section est composée du capital constant C (valeur des moyens de production), du capital variable V (les salaires) et de la plus-value(la valeur de l’exploitation des salarié.es par les capitalistes) P. Dans son premier schéma, le taux d’exploitation des salarié.es P/V= 100% et la composition organique du capital ( C / V = 4 dans la section I et C/V = 2 dans la section II) traduit le progrès technique. Le taux d’exploitation et la composition organique du capital sont constants parce qu’ils n’ont aucune influence sur la circulation des capitaux et des marchandises.

La démonstration de Marx par lui-même

Le premier schéma de Marx s’écrit :

I. 4000c + 1000+ 1000p = 6000 (milliards de dollars)

II. 1500c + 750v + 750p = 3000 (milliards de dollars)                                                              

PIB = I + II = 9000 (milliards de dollars)

Chaque année, la section I investit 50% de sa plus-value et Marx admit cet taux constant parce qu’il n’a pas d’influence dans la circulation des marchandises. À la première année, la section I investit 500 Ip, 400 Ic et 100 Iv conformément à la composition organique du capital dans la section I. La section II investit 150 IIp, 100 IIc et 50 IIv conformément à la composition organique du capital dans la section II. À la fin de la première année on a :

I. (4000 + 400)c + (1000 + 100)v + (1000 + 100)p = 6600 

 II. (1500 + 100)c + (750 + 50)v + (750 + 50)v = 3200                                                      

Soit :

I. 4400c + 1100v + 1100p = 6600.   la section I s’accroît de 10% 

 II. 1600c + 800v + 800p = 3200.    la section II s’accroît de 6,67%    

 PIB = 9800 avec 8,89% de croissance.                                

À la deuxième année, la section I investit encore la moitié de sa plus-value soit 550 Ip, 440 Ic en moyens de production et 110 Iv en salaires. La consommation de ces nouveaux salarié.es oblige la section II à investir 165 IIp, 110 IIc en achat de moyens de production et 55 IIv en salaires. La demande de biens consommation des capitalistes de la section I, 550 Ip et de ses anciens salarié.es 1100 Iv soit 1650 I(v + p) est supérieur aux biens de consommation 1600 IIc, la section II doit donc investir 75 IIp, 50 IIc en moyens de production et 25 IIv en salaires pour que 1650 I(v + p) en argent puisse s’échanger contre 1650 IIc en biens de consommation. À la fin de la deuxième année, on aura :

I. (4400 + 440)c + (1100 + 110)v + (1100 +110)p

II. (1600 + 110 + 50)c + (800 + 55 + 25)v + (800 + 55 + 25)p

Soit :

I. 4840c + 1210v + 1210p = 7260 avec une croissance de 10%

II. 1760c + 880v + 880p = 3520 avec une croissance de 10%

PIB = 10 780 avec une croissance de 10%

C’est là que tous les économistes marxistes s’arrêtent et concluent que les deux sections s’accroissent à la même vitesse. Ils appellent cela « balanced growth path ». Et pourtant, à ce niveau de son schéma, Marx dit « Si les choses doivent se dérouler normalement la croissance doit être plus rapide dans la section II que dans la section I parce que sinon la quantité Iv + p qui s’échange contre IIc s’accroîtrait plus vite que IIc. » Mais cette phrase de Marx ne crée aucun doute dans l’esprit des économistes au contraire, ils occultent ce passage de Marx et tout son second schéma où la section II s’accroit plus vite que la section I.

Marx ne s’arrête pas à la deuxième année, il continue jusqu’à la cinquième année. En arrondissant les chiffres à l’unité(si on arrondi à 1, 2, 3, ou 4 chiffres après la virgule, on aboutit au même résultat mais la démonstration sera plus longue) à partir de la troisième année jusqu’à l’infini, la section des biens de consommation s’accroît toujours plus vite que la section I. À la fin de la cinquième année, le PIB devient :

I. 6443c + 1610v + 1610p = 9663 avec une croissance de 46,4% par rapport au début de la 2e année

II. 2342c + 1173v + 1173p = 4688 avec une croissance de 46,5% par rapport au début de la 2e année

À la première année, la consommation de Iv + 1/2 Ip n’a suscité aucun investissement de la part de la section II cela est absurde car de la 2e année à la 5e année, cette consommation nécessite un investissement croissant de la section II : 75 IIp à la deuxième année, 83 IIp à la troisième année…99 IIp à la cinquième année.

D’où l’importance du second schéma de Marx où ce problème est corrigé : dès la première année, la consommation de Iv + (1/2) Ip provoque un investissement de 84 IIp. Au début de la première année, le second schéma s’écrit :

I. 5000c + 1000v + 1000p = 7000

II. 1430c + 285c + 285p = 2000

En investissant toujours 50% de plus-value dans la section I, à la fin de la première année, la section des biens de consommation s’accroit de 10,7% et la section des moyens de production ne s’accroit que de 8,3%. La démonstration de Marx se fait donc en deux étapes complémentaires englobant les deux schémas.

Amélioration de la démonstration de Marx

Reconsidérons le premier schéma de Marx, au cours de la deuxième année, on a l’illusion que les deux sections s’accroissent à la même vitesse de 10 % sans créer de crise dans les échanges. Cela est due à la méthode de démonstration de Marx, qui peut-être par souci de pédagogie a toléré cette petite erreur de démonstration. Par contre si on veut déterminer le comportement réel des schémas, si on veut « que les choses se déroulent normalement » et si on investit chaque année (Ip/x) alors la quantité [Iv + ((x-1)/x) Ip] – IIc doit être constante. Sa variabilité d’une année à l’autre perturbe l’étude de la variation des taux de croissance dans les deux sections et déconnecte ainsi cette étude de la réalité.

Supposons maintenant :

  • Que la section des biens de consommation s’accroît plus vite que la section des moyens de production à la première année. La section I investit 45 % de sa plus-value, (Iv + 1/2 Ip) – IIc = 50 doit rester constante.À la fin de l’année la section II s’accroit de 9,33% et les moyens de production de 9%. Au cours de la deuxième année, la section des biens de consommation s’accroit toujours plus vite que la section des moyens de production avec pour résultat automatique une baisse du taux d’investissement de la section I de – 4,587156 10-4. Donc chaque année, avec 45% de taux d’investissement dans la section I à la première année, la section II va toujours plus vite avec une baisse du taux d’investissement de la section I d’au moins – 4,587156 10-4.
  • Que les deux sections s’accroissent à la même vitesse dès la première année. Dans ce cas, la section I investit (5000/11) Ip, la quantité [(Iv + (6/11) Ip] – IIc = 500/11 doit être constante. Au cours de la première année, les deux sections s’acroissent à un même taux de 1/11. Mais à la deuxième année, il se produit une crise de pénurie de biens de consommation de -1000/121. Donc quand les deux sections s’accroissent à un même taux cela débouche sur une crise de pénurie de consommation qui s’aggrave d’année en année.
  • Que la production des moyens de production s’accroit plus vite que la production des biens de consommation. La section I investit 50% de sa plus-value soit 500 Ip à la première année et la quantité (Iv + 1/2 Ip) – IIc = 0 doit être constante. À la fin de la deuxième année on a une pénurie de – 100 en biens de consommation qui s’aggravera d’année en année.

Une minorité d’économistes marxistes continuent toujours à défendre la fausse théorie léniniste de la croissance plus rapide des biens de production en disant qu’avec la hausse de la productivité du travail, C/V devient plus grand alors la section I doit aller plus vite. Ce qu’il faut comprendre c’est que la croissance du PIB a pour condition fondamentale Iv + Ic > IIc, cela signifie que chaque année la plus grande partie des investissements va toujours dans la section I et c’est justement à cause de cela que la production des biens de consommation doit croître plus vite que la production des moyens de production pour éviter une surproduction de moyens de production concomitamment à une pénurie de biens de consommation.

Raison historique de l’occultation de cette grande loi économique de Marx 

Objectivement, le traitement historique réservé aux schémas marxistes de reproduction élargie par les théoriciens et économistes de la classe salariée au XXe siècle et à ce début de XXIe siècle ne peut s’expliquer que par la lutte des superclasses entre la superclasse capitaliste-salariale et la superclasse des chômeu.rs.ses comme opposition historique entre le communisme scientifique et l’idéologie du capitalisme-salariat. C’est pour cette raison que malgré la suppression de la classe capitaliste, l’URSS s’est effondrée dans une crise de pénurie de consommation catastrophique avec l’invention d’une nouvelle forme d’exploitation fondée sur la pénurie. La cause profonde de la chute c’est la propriété privée des biens de consommation.

Seule la Révolution des chômeu.rs.ses communistes, organisés en parti politique distinct, dans chaque pays et internationalement, pourra inévitablement abolir à la fois la propriété privée des biens de consommation et des moyens de production. La généralisation du chômage à la majorité de la population active est inéluctable au XXIe siècle et rendra le communisme de Marx et Engels possible dans tous les pays. Le prolétariat(historiquement capable de faire la révolution communiste) que Marx et Engels ont découvrit scientifiquement au moyen de la dialectique(Voir l’idéologie allemande) est en vérité les chômeu.rs.ses. Seulement chez Marx et Engels, la propriété privée se limite seulement aux moyens de production, c’est la raison pour laquelle ils n’ont pas pu découvrir ce prolétariat en pratique.

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